axelle rioult

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Mutations urbaines

Axelle Rioult : des images en résonance

  Une jeune fille à la baguette. A bâbord, un immeuble en chantier. A tribord, une route à peine asphaltée. Il faut tracer sa voie entre l’inachevé et l’inaccompli. Nous sommes à Flers, mais le rituel du pain est celui de n’importe quel coin de France. Flers, par le chaloupé de la jeune fille à la baguette, redevient une banlieue de Doisneau où la mie est chaude et le pain doré dans le matin gris. Il y a matière à récits dans les associations d’images d’Axelle Rioult. La jeune fille à la baguette, avant de passer devant l’immeuble en chantier, a peut-être traversé l’esplanade vide qui ressemble à une piste d’envol et mesuré ses chances de croître et prospérer à l’aune de l’arbre plein de sève qui pousse miraculeusement au cœur du ciment. Ce qu’il y a de bien avec le vide, c’est que l’on peut le remplir de rêves et disperser les nuages. La jeune fille a vu sans doute aussi le chien en plastique rouge frétillant dans l’herbe, les oreilles pointées vers le ciel, luttant pour avoir l’air humain dans un monde de bâche et de grilles. « J’ai toujours cherché à comprendre comment les gens s’approprient leur espace de vie », dit Axelle Rioult qui cadre encore ce jardin privatif, propice aux réjouissances anisées du pastis, entre un ciel passé au noir et une clôture d’immeubles tristement gémellaires. Au sol, une pelle et un râteau abandonnés. Traduction : prenez la pelle et cultivez votre jardin. Axelle Rioult construirait-elle ses triptyques comme des rébus ?

   A Hérouville, la photographe reconduit sa manière d’associer dans la même image les strates colorées d’un Stéphane Couturier et les effets à retardement d’une Sophie Ristehueber. Entre le vide et le plein, le bâti et la friche, le premier et l’arrière-plan, la photographe prend son temps, revient sur les lieux, cherche dans les volumes de l’architecture comme dans les pousses vertes qui infiltrent le béton un modèle de croissance possible où le minéral et le végétal, le rigide et l’exubérant cohabitent. Elle se refuse au point de vue unique, multiplie les angles de vue, les combinaisons d’images, passe insensiblement du dit et au non-dit, et échappe ainsi au récit unique qui clôt l’histoire avant même qu’elle ne commence.

Natasha Wolinsky

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